Etre papa et handicapé…

C’est rare quant ça m’arrive – tiens, une chanson de Goldman si je ne m’abuse – mais j’ai eu envie de mettre par écrit un petit quelques chose sur moi… bien loin de ma ligne éditorial habituel déjà pas mal bousculé ! En préambule, si je puis dire, il me semble honnête de confesser que malgré toutes les difficultés que j’ai eu dans ma vie, j’ai néanmoins eu beaucoup de chance ! Ne voyez pas dans les paragraphes qui suivent une forme d’apitoiement bien au contraire ! 

Pour commencer – il faut bien commencer quelques part ! -, je suis handicapé visuel… oups… une “personne en situation de handicap” comme on dit.  Et pour poursuivre sur ma lancé, je tiens à préciser que mon handicap fait partie de moi et – dans une certaine mesure – me défini. Je sais que beaucoup de personnes handicapées risquent de s’offusquer d’une telle déclaration ; et, j’ignore ce qu’il en ai pour les autres mais pour moi, mon handicap à modelé ma personnalité. C’est le regard – et souvent le rejet – des autres qui a finalement fait ce que je suis. Mais rien de grave… je suis plutôt brillant, très drôle et d’excellente compagnie… et sans oublier… doté d’un ego stratosphérique ! 

Oui, je suis handicapé… et pour être plus précis, je suis mal-voyant ; pas du genre myope ou presbyte… plutôt du genre à prendre une canne blanche un jour sur trois quant ça ne va pas ! Et voici le premier point important à retenir si vous voulez comprendre ce qu’est la vie d’une personne comme moi. J’ai une pathologie dégénérative – et par voie de conséquence un handicap évolutif. Conséquence… Ma vue change d’un jour à l’autre et il n’est pas rare qu’un matin je me réveille avec 1/10 et le lendemain… disons qu’il ne me reste plus qu’une bouillie d’ombre et de lumière. Et parfois – à trois reprise déjà – la nuit s’installe et avale tout…

Aujourd’hui, je suis a la veille d’une journée “noire”… et je ne parle pas des grèves ! Ma “nouvelle” cornée a décidé de prendre sa retraite après seulement 40 mois de bon et loyaux services ! Pour les férus de termes médicaux disons tout simplement que ma cornée est “pré perforatrice” avec un ulcère de la cornée digne du grand canyon ! 

Mais revenons au sujet : ma vie, mon oeuvre…

Perdre progressivement sa vue implique de se réadapter tous les jours. De plus gros caractères sur l’ordinateur, puis une synthèse vocale, l’alourdissement du traitement pour tenter désespérément de freiner l’arrivé de la nuit ! J’ai la chance d’avoir une très bonne connaissance des outils informatiques et je parviens néanmoins à compenser plus ou moins mon handicap et de suivre son évolution.

Il y a presque 4 ans, j’ai déjà subi une greffe de cornée en urgence sur mon œil gauche. Mon œil droit m’a été “enlevé” il y a 7 ans déjà. A la surprise générale, même celle de mon médecin, cette greffe in extremis m’a permis de recouvrer un reste visuel plutôt satisfaisant (2/10). Malgré un traitement lourd – traitement locale toutes les heures, piqûre dans l’œil pour maintenir la croissance de l’épithélium, pommade…  – et un suivi à l’hôpital tous les mois, j’ai rapidement perdu plus la moitié de ma vue en moins de 12 mois. Et malheureusement, à cause d’une sécheresse oculaire importante (maladie auto-immune), j’ai une tendance à développer de nombreuses “kérato-conjonctivites” qui se traduisent par une ulcération de ma cornée… mais bon, passons les détails techniques ! 

Sinon, côté famille, j’ai 3 enfants merveilleux – comme tous les enfants – scolarisés en école primaire pour les jumeaux et à la maternelle pour la petite dernière. Et, la plus grande difficulté dans mon quotidien est un problème de “mobilité”. Compte tenu de mon handicap, il m’est difficile d’aller chercher mes enfants à l’école, ou de les récupérer dans l’urgence en cas de fièvre ou tout simplement, de les emmener chez le pédiatre… Bien sûre, mon handicap ne m’interdit pas de prendre les transports en commun, mais en province (Orléans) ça devient vite compliqué. De même, toute la gestion au quotidien des cahiers de liaison, des devoirs et, dans une certaine mesure, tout l’aspect administratif est “compliqué”. Des actions qui peuvent paraître anodines, comme aller de la maison à la station de bus, reconnaître son enfant dans une classe, chercher ou identifier des vêtements dans une armoire sont des obstacles dans ma vie quotidienne qui m’impose de m’adapter ou de déléguer le plus souvent !

À cette situation déjà délicate, s’ajoute le fait que mon épouse travaille à une heure de la maison (en voiture) ; elle s’est organisé pour emmener les enfants tous les jours à l’école mais en contre partie, elle ne rentre pas avant 20h30 au mieux ! Depuis la naissance de mes jumeaux en 2013, elle a également réduit son temps de travail à 80 % afin de se rendre un maximum disponible. Cet avantage – qui est de droit dans la fonction publique – s’est prolongé avec la naissance de ma dernière (en 2015), mais n’est plus aujourd’hui un droit et doit être soumis à l’approbation de la hiérarchie ce qui est de moins en moins évidents. 

Depuis le temps, j’ai appris à vivre avec mon handicap et souvent, j’ai une tendance à nier les difficultés, mais avec ma famille, compenser devient de plus en plus lourd à gérer au quotidien. Le plus dur reste la dépendance aux autres pour tout un tas de choses que je ne peux pas faire seule : Non, je ne peux pas lire ce qui est marqué sur ta carte Pokemon… non chérie, je ne peux pas te lire cette histoire… Je ne peux pas aller jouer au foot avec toi… Voit avec maman pour tes devoirs… Tout ça n’est rien, mais c’est pourtant tout ! 

Depuis ma dernière greffe, je travaille a temps partiel (120 heures / mois)… je devrais d’ailleurs plutôt dire “travaillais” ! J’ai eu la chance de travailler les vingts dernières années dans des milieux très variés mais aujourd’hui, comble de l’ironie, malgré un reste visuel correcte – 1/20… c’est pas énorme, mais pour moi ça change tout ! – et aucune infection, ma cornée demande grâce ! Dans quelques heures, je vais rentrer a l’hôpital pour subir une troisième greffe avec un taux de réussite qui ferait fuir le premier parieur venu ! Si ça marche, je relance la roue. Et dans le cas contraire… je ne pourrais plus jamais voir les yeux rieurs de mes enfants ni le sourire de ma femme ! Encore une fois, il y a bien pire ; et dans une certaine mesure, ça mettrais fin au “cul entre deux chaises !”. Mais bon, pardonnez moi si je ramène tout à moi et encore toutes mes excuses a ceux qui souffre bien plus mais j’en ai gros ! 

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