J’ai pas l’habitude de parler de choses personnelles ou sérieuses, mais le journal “Le Monde” a publié un article intéressant sur l’AMP en regroupant des témoignages émouvants.
L’aide médicale à la procréation (AMP) née il y a trente ans avec Amandine s’est largement démocratisée mais reste une éprouvant marathon pour les couples qui ont des difficultés à avoir un enfant. A la suite de notre appel à témoignages, de nombreux Internautes ont accepté de raconter leur parcours du combattant. Voici une sélection de leurs réponses.
A chaque échec, un chagrin sans nom, par Marguerite C.
J’ai deux enfants, deux bébés nés par ICSI (fécondation in vitro (FIV) avec injection intra cytoplasmique de spermatozoïdes) nés en 2008 et 2011. Mon parcours d’AMP a commencé en 2004 et j’ai eu mon premier enfant au bout de 11 tentatives : 5 inséminations, 1 FIV qui n’a pas produit d’embryon, 5 ICSI. Au fil des mois, l’AMP c’est une vie rétrécie, rythmée par les injections quotidiennes, les prises de sang, les transferts et les règles qui, inéluctablement, arrivent. Les règles peuvent arriver n’importe quand, avant un rendez-vous professionnel important, un 31 décembre chez des copains, et c’est à chaque fois un chagrin sans nom. Chaque jour de règles est une punition.Quand on est sous AMP, tout vous rappelle votre condition: une collègue qui parle de ses enfants, une femme enceinte croisée dans la rue, le corps qui s’alourdit, qui se fatigue sous l’effet des traitements. Difficile de s’organiser professionnellement. On passe son temps à compter sur ses doigts, à jongler avec son agenda. Difficile de faire des projets de vacances. Difficile de garder une sexualité normale, tant cela vampirise nos esprits. Difficile d’en parler autour de soi ou de trouver des témoignages. Quand je repense à mon parcours de maternité, très médicalisé, très long, je ne sais pas si j’en aurais eu le courage si j’avais su auparavant ce qui m’attendait. Mais finalement, nous avons deux enfants et c’est formidable. Et ce qui est aussi formidable c’est qu’en France tous les frais sont pris en charge.
Tristesse et sentiment d’injustice, par Damien B., 35 ans, Genève, Chercheur
Ma femme et moi essayons depuis plus de quatre ans d’avoir un enfant. Après plusieurs stimulations suivies d’inséminations sans résultats, nous avons tenté une FIV il y a 18 mois. Après stimulation des ovaires, nous avons obtenu 10 ovules et 8 ont pu être fécondé. Nous étions très heureux de ce résultat. 5 ont été congelé et 3 ont été implantés dans la foulée pour augmenter nos chances. Malheureusement, après 2 semaines, ce fut négatif. Sur les 5 restants, 4 purent être transféré en 2 tentatives qui s’étala sur 1 an mais cela se termina à chaque fois par un échec.Je tenais à témoigner pour expliquer que faire une FIV est une expérience difficile à vivre, dont les chances de succès sont très faibles. On oublie souvent d’en parler. Il faut savoir que chacun de ces échecs génère une grande tristesse mais aussi un sentiment d’injustice. Malgré tout cela, s’il le faut nous recommencerons car nous voulons cet enfant! La persévérance est ici la clé du succès. Je voulais aussi témoigner pour rendre hommage à ma femme et à toutes celles qui vivent cette expérience car il leur faut beaucoup de courage.
Dur de garder ça pour soi, par S., 28 et 31 ans
Pour nous la guerre commencera le mois prochain. Je suis partagée entre la hâte d’avoir fini cette première FIV (qui a peu de chance de marcher statistiquement) et de passer à la suivante, et la terreur des piqûres, du chagrin, du désespoir, de l’échec. Pour le moment, le plus insupportable c’est cette honte qui nous accompagne : on n’est pas normaux, tout le monde y arrive sauf nous. Et la solitude, le secret : c’est dur d’en parler quand on entend à longueur de temps des “c’est dans la tête, vous y pensez trop”, comme si on n’était pas déjà rongés de culpabilité.. .C’est aussi dur de ne pas pouvoir expliquer à son travail pourquoi on va mettre le bazar dans les plannings et ne pas assumer ses astreintes. Dur de subir l’inquisition de proches, partagés entre la curiosité scientifique et le voyeurisme… Dur d’entendre à longueur de temps “et vous alors, c’est pour quand ?” ou “et c’est QUI le problème ?” Personne dans notre couple n’est un problème, l’un de nous deux A un problème, nuance !
Froideur du corps médical, par Carine et Olivier G., Midi-Pyrénées,
Mon mari et moi avons respectivement 39 et 38 ans et sommes actuellement suivis par l’AMP pour infertilité inexpliquée. Nous allons, pratiquement deux ans après notre premier contact avec l’hôpital, procéder à notre quatrième tentative. Nous tentons de rester la plupart du temps optimistes et confiants envers les spécialistes mais traversons néanmoins des périodes de doutes et de découragement.Nous avons souvent l’impression que les médecins ont peu de temps à nous consacrer, font preuve d’une certaine froideur, nous donnent des explications très scientifiques, parfois incompréhensibles. Nous sommes depuis le début de “notre drôle d’aventure” surpris par leur manque de psychologie. La manière dont les choses nous sont annoncées est parfois bien plus violente que la réalité de la situation.Nos relations avec nos proches, notre famille, nos amis, en ont été aussi modifiées. Bien que nous ayons toujours abordé le sujet sans tabou, leur comportement est parfois en décalage avec celui que nous attendons. Le soutien est là mais il est maladroit, entre pudeur et désarroi face à l’impuissance. La difficulté de ce parcours du combattant est sous-estimée et pourtant bien réelle, sans compter, au quotidien, le regard de la société sur un couple quadra sans enfant.
Un couple qui vacille, par Ava, Marseille,
Pendant cinq ans, nous avons essayé. D’abord seuls puis avec l’aide de la science, comme on dit. Tests, piqûres, amour sur commande, stress, déception chaque mois, une vie comme compressée entre deux périodes de règles. Un couple qui vacille. On se pose alors des questions sur soi et sur l’autre qu’on n’imagine pas, qu’on ne voudrait jamais imaginer. Et si c’était sa faute? Et si c’était moi qui n’était pas cap’ ? L’impression d’être une demi-femme, de s’éterniserdans une espèce de fausse adolescence quand, autour de soi, sœurs, amies s’arrondissent. Finalement nous avons tenté l’insémination, après trois ans de stimulation, d’humeurs en dents de scie, de périodes d’abattement et de joie. Ça a marché, du premier coup. Notre fille est née il y a trois ans. Elle est géniale. Mais je sais que ce parcours-là, je ne le referai pas. On y laisserait notre histoire, le papa et moi. Une gestation doit durer neuf mois, pas cinq ans.