Je vis en couple depuis près de 24 ans et nous sommes mariés depuis 16 ans avec trois enfants de moins de 10 ans. Handicapée visuelle depuis 46 ans avec un “taux d’incapacité égale ou supérieure à 80 %”, je suis bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés.
Et pour rentrer un peu plus dans l’aspect médical, je souffre d’une pathologie dégénérative de l’œil gauche se caractérisant par une cornée avec kératite ulcérative sur la partie centrale et d’une destruction de l’épithélium et d’une atrophie des glandes lacrymal. Résultat : une cornée “pré perforatrice” (malgré plusieurs greffes) et une vision de 1/20. Pour l’autre œil, les choses sont plus simples… j’ai été contraint d’effectuer l’ablation de l’œil droit il y a 8 ans.
Pour la partie administrative, la MDPH en 2017 a rendu sa décision :
Allocation aux adultes handicapés : | Le taux reconnu justifie l’attribution de l’AAH prévue à l’article L821-1 du Code de la Sécurité Sociale. |
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Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé : | Reconnaissance d’un handicap qui réduit votre capacité au travail. Compte tenu des éléments portés à la connaissance de la Commission, tant professionnels que médicaux. |
Orientation vers le marché du travail : | La commission préconise un maintien en situation d’emploi. Compte tenu des éléments portés à la connaissance de la Commission, tant professionnels que médicaux. |
Complément de ressources : | Reconnaissance d’un taux d’incapacité égal ou supérieur à 80%. Mais toutefois, elle ne vous a pas reconnu au taux de capacité de travail inférieur à 5%, ce qui ne vous permet pas de bénéficier du Complément de ressources prévu par l’article L821-1-1 du Code de la Sécurité Sociale. |
À l’époque je travaillais comme responsable administratif dans une PME depuis presque 10 ans et j’ai connue une carrière professionnel plutôt riche. Et là, c’est le bon moment de faire un aparté avec mon petit CV en 140 caractères : “J’ai fait du droit, j’ai été chef de projet dans le milieu informatique (Agence Web / SS2I). J’ai donné des conférences sur l’accessibilité des médias et des cours en informatique. J’ai été responsable administratif et financier dans une PME ; et enfin, j’ai adoré bosser à la Cour d’Appel”…
Sauf que depuis décembre 2019, je ne travaille plus… mon contrat avec la Cour d’Appel n’a pas été renouvelé suite à de multiples hospitalisations et arrêts-maladies. Ce n’est pas par choix ni pour jouir des longues journées à vivre sur les allocs’ comme disent certains politique et autre expert de comptoir.
Comme je le disais en introduction, je bénéficie donc de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) mais voilà, à cause de la solidarité des ressources du couple de l’allocation, le montant de cette dernière est directement relié aux revenus de mon épouse. La Caisse d’allocations familiales (CAF) a établi un plafond de ressources pour les couples et, faut l’avouer, les seuls revenus de mon épouse sont largement supérieurs à ce plafond.
Et c’est là ou se pose le problème : pourquoi ma femme devrait “souffrir” de mon handicap et subvenir exclusivement seule à la charge de la famille. Le fait d’être marié avec une personne handicapée n’est pas anodin ! C’est mon épouse “valide” qui gère les courses, les urgences médicales, les sorties scolaires… Comment voulez-vous ? Au-delà d’un mètre, je suis bien incapable de reconnaitre mes propres enfants dans une foule…
Aujourd’hui, je dois me tourner systématiquement vers ma femme pour demander tous financements de ma vie quotidienne. Nous sommes en couple depuis très longtemps et notre relation est loin d’être compliqué, ça ne lui pose aucun problème de “payer” pour son mari handicapé ! Mais ça reste injuste, non ? Encore une fois, ma famille vit correctement même si la perte d’un salaire à entraîner quelques “complications” ! Nous n’avons pas de difficultés financières comme peuvent l’avoir bon nombre de couples dans la même situation. Mais demander à ma femme un “budget” pour lui offrir son cadeau de Noël ou d’anniversaire reste difficile à vivre.
Je suis “mari” et “père de famille”, mais je reste un “mari handicapé” et un “papa handicapé” ! Le “couple” ne modifie en rien cette réalité ! Le conjoint d’une personne handicapée n’a d’autres choix que de prendre en charge non seulement le quotidien mais aussi les soins. C’est ma femme qui doit m’emmener en urgence à l’hôpital ou à m’accompagner à mes rendez-vous médicaux, c’est elle qui doit m’aider à donner un semblant de normalité pour les enfants. Et moi… finalement, un poids ! Le prix de l’amour ?!
Alors pourquoi refuser de considérer la personne handicapée comme “une personne” et désolidariser les revenus ? Mon cas est – financièrement parlant – très différent des nombreux témoignages que j’ai pu lire mais sur le principe, ça reste pareil.
Le montant maximal de l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) est de 903,60 euros depuis le 1er avril 2021, date de sa plus récente augmentation. Par contre, l’AAH est une aide différentielle : en présence d’autres ressources, pensions, aides ou allocations, la Caisse d’Allocation Familiale (CAF) en déduit une partie du montant forfaitaire. Sont pris en compte l’ensemble des revenus du couple.
Plafond des ressources selon la composition du foyer :
Nombre d’enfants à charge Vous vivez seul Vous vivez en couple 0 10 843 € 19 626 € 1 16 265 € 25 048 € 2 21 686 € 30 469 € 3 27 108 € 35 891 € 4 32 530 € 41 313 €